En tant qu’entrepreneur, je crois qu’il faut savoir saisir les différentes opportunités qui se présentent à nous. Dans le cadre de mon cheminement pour mon projet d’affaires, ma curiosité m’a amené à découvrir la psychothérapie. Bien au-delà de mes attentes, j’en suis ressortie avec une alliée de choix dans l’avancement de mon projet : ma psy.

Je trouve qu’il est important de le dire, j’étais la première à avoir de très gros préjugés face à la consultation auprès de psychologues. Je me disais que je ne voulais pas paraître comme mal organisée ou vulnérable. J’y suis tout de même allée et j’ai découvert un tout autre monde, un service qui se veut avant tout préventif et qui m’a permis d’avancer sur bien des aspects.

Il était donc particulièrement important pour moi de trouver un entrepreneur avec qui je pourrais discuter de santé psychologique au travail. Il s’agissait d’un sujet qui me tenait particulièrement à cœur et sur lequel je tenais à faire ma part pour sensibiliser mes lecteurs.

C’est alors que j’ai eu ma première discussion avec Anik Bertrand, une travailleuse sociale qui œuvre au sein des milieux communautaires, et plutôt défavorisés. Plus précisément, elle travaille avec des enfants vivant avec des troubles de l’attachement.

J’avais trouvé ma perle rare. En plus d’avoir trouvé un professionnel dans le domaine de la santé mentale, j’avais trouvé une femme en affaires qui elle-même devait protéger sa santé psychologique au quotidien. Un défi commun pour tous ceux et celles qui liront ces lignes.

Anik nous parle de son quotidien ainsi que des ses conseils pour évoluer dans un milieu où la pression peut devenir forte.

Anik Bertrand T.S.
Anik Bertrand T.S.Travailleuse sociale
Anik Bertrand – Adoption et attachement | anikbertrand.com

Bonjour Anik, merci de m’accorder de ton temps aujourd’hui. Premièrement, pourrais-tu me parler de ton cheminement professionnel jusqu’à aujourd’hui ?

Mon parcours a toujours été guidé par mon amour des enfants. Ayant suivi ma formation en éducation à la petite enfance, j’ai travaillé en CPE pendant quelques années. J’ai réalisé durant cette période que j’avais un intérêt plus particulier pour les enfants ayant des difficultés ou des problématiques sur le plan psychologique.

J’ai commencé à m’intéresser plus précisément aux problématiques du trouble de l’attachement lorsque j’ai réalisé que mon fils adoptif en souffrait lui aussi. Avec les démarches de suivi et d’accompagnement qui s’en sont suivi, j’ai eu la chance de rencontrer une travailleuse sociale qui pratiquait au privé et qui œuvrait aussi dans ce domaine.

Cette femme a été une ressource importante pour moi tant sur le plan personnel que professionnel. Grâce à elle, j’ai décidé d’aller réaliser ma formation universitaire en travail social et de me dévouer, moi aussi, à cette cause.

Quelles sont tes motivations à démarrer ta pratique privée dans le cadre de ton métier ?

Je dirais que ça m’offre beaucoup plus de flexibilité et de latitude pour définir mon champ d’intervention. N’étant pas régi par les règlements d’un quelconque employeur, qu’il soit public ou privé, j’ai plus de liberté dans ma prise de décisions.

Par exemple, si je décide qu’il est pertinent pour moi de rencontrer le coach de soccer du petit, je me lève et j’y vais. Ça me permet une plus grande proximité avec mes patients.

Pourquoi avoir choisi de spécialiser ta pratique dans les troubles de l’attachement ?

J’ai décelé qu’il existait un besoin dans cette spécialité et j’ai décidé d’intervenir.

Ayant moi-même connu la problématique avec mon fils adoptif, j’ai été sensibilisée à cette cause. Les démarches que j’ai faites avec lui m’ont aussi fait prendre conscience qu’il n’existe que très peu de ressources pour répondre à cette problématique.

Les parents qui se retrouvent dans cette situation ont de la difficulté à trouver des professionnels spécialisés et consultent donc des professionnels qui n’ont pas toujours les meilleurs outils pour les accompagner dans leur cheminement.

Quel est ton rôle, à titre de professionnelle, face aux clients et face aux familles que tu accompagnes ?

Mon rôle est celui d’un guide. J’aime dire à mes clients que je serai celle qui aura le moins de travail à faire dans l’histoire ! (Rires) Je le dis sur le ton de la rigolade, mais il s’agit bel et bien de la réalité à mes yeux.

Mon rôle est d’apporter des pistes de réflexion ainsi que des solutions concrètes pour répondre aux problématiques qu’ils rencontrent. Je guide mes clients dans la mise sur pied et l’évaluation des différentes pistes de solution.

En ce sens, je me dois de m’adapter à leur rythme. Il est inutile pour moi d’essayer de leur implanter un rythme d’évolution qui serait le mien, c’est à moi de m’adapter et de définir des objectifs réalisables avec ces derniers. Ce n’est pas à eux d’atteindre mes objectifs où de répondre en un certain temps à des critères prédéfinis.

Ainsi, lorsque que je ferme un dossier pour de bon, je sais que j’ai fait mon devoir si j’ai amené une famille à cheminer et à atteindre les objectifs qui sont leurs et qui sont adaptés à leur situation.

T’arrive-t-il de te sentir impuissante face à des dossiers ?

Pour moi, l’impuissance, c’est de ne pas pouvoir référer mon client à quelqu’un de mieux qualifié que moi pour répondre à ses besoins. Il est bien possible que je ne sois pas la bonne personne pour aider certaines familles qui viennent me voir. Aussi, il se peut que j’aie à référer certains clients après quelques rencontres parce que leurs besoins ont évolué.

Savoir s’entourer et développer un réseau de contacts et de références est primordial pour pallier cette crainte de l’impuissance que certains professionnels développent.

L’impuissance pour moi, c’est de ne n’avoir aucune ressource vers laquelle référer  mes clients.

Peux-tu me définir ce que représente l’échec pour toi dans le cadre de tes activités professionnelles ? Comment gères-tu le tout ?

Toute une question ! (Rires)

Du point de vue de la gestionnaire, je dirais que je ressens principalement l’échec lorsque j’envoie mes propositions de services ou que je fais une offre pour des projets et que je suis refusée.

Être refusé est une réalité qu’il faut apprendre à gérer. Par gérer, je veux dire qu’il faut prendre sur soi et faire un travail sur soi pour se rapprocher de la réussite lors nos prochaines tentatives.

Du point de vue de la professionnelle, je crois que l’échec serait en fait de faillir à mon rôle par rapport à mes clients. Pour mieux gérer cette crainte de l’échec, je crois qu’il est important de prendre conscience de son rôle à titre de professionnel pour mieux définir à quoi ressemble vraiment l’échec selon le rôle que nous avons.

Découvrez aussi l’histoire de Déborah Lafont : Développer sa capacité d’adaptation pour réussir en affaires

Est-ce qu’il t’arrive de devoir travailler avec des clients qui refusent de coopérer ? Je pense entre autres à des parents d’enfants qui sont difficiles à gérer ? Comment t’y prends-tu pour développer une relation de confiance et d’entraide, ou du moins, de tolérance et d’écoute avec ces clients ?

Un des avantages de la pratique privée est que je travaille majoritairement avec des gens qui ont volontairement demandé mes services, et ce, contrairement à un professionnel œuvrant dans le milieu public, qui se doit de prendre des cas venant de la DPJ ou de d’autres

Je dirais que ce que je dois plutôt gérer ce sont les familles dont l’un des parents vient un peu à reculons alors que l’autre l’a forcé à se présenter. Je crois que la solution est de comprendre la situation actuelle sous les différents points de vue et d’établir une vision globale basée sur les faits.

D’autant que certains viennent à reculons, d’autres ont une vision exagérée de l’ampleur du problème. Il n’y pas de solution miracle, il faut savoir marcher sur un fil jusqu’à ce que le lien de confiance s’installe petit à petit.

Cette confiance, il ne faut surtout pas la brusquer.

Plusieurs professionnels développent des problèmes de santé liés à la culpabilité qu’ils ou elles ressentent dans le cadre de leur pratique. Nous entendons souvent ces histoires d’horreur, où des professionnels de la santé s’épuisent à force de donner corps et âmes pour des dossiers qui ne se terminent pas comme ils souhaiteraient.

Comme plusieurs professionnels, tu dois assister à des scènes difficiles dans le cadre de ta pratique, comment arrives-tu à fermer tes dossiers physiquement et mentalement lorsque tu arrives à la maison le soir ?

Encore une fois, il faut avoir une vision claire de son rôle dans l’histoire.  Notre rôle, en tant que ressource d’aide, est de démontrer de l’empathie et non pas de la sympathie.

Il est important de bien faire la différence entre l’empathie et la sympathie face aux problématiques vécues par sa clientèle. En tant que professionnels, nous avons choisi nos métiers afin de venir en aide d’une manière ou d’une autre à nos clients. Nous avons choisi la pratique privée pour être proches d’eux et offrir un service de qualité. Il est important d’être empathique, de comprendre les besoins, les tracas de nos clients afin d’élaborer des solutions. Cependant, je ne suis pas mon client et ses histoires ne sont pas les miennes.

Je reste, en tant que professionnelle, une perche tendue qu’ils peuvent utiliser pour s’en sortir. Ce n’est pas mon travail de me lancer dans la gueule du loup à mon tour. Je les outille au meilleur de mes compétences, je leurs offre des solutions adaptées parce que j’ai effectivement compris leurs besoins, mais ce n’est pas à moi d’affronter la bête.

Évidemment, développer son empathie et réduire sa sympathie est plus facile à dire qu’à faire et concrètement, il faut accepter de cheminer pour apprendre à fixer ses propres limites. J’ai la chance de travailler comme contractuelle auprès d’organismes communautaires, cela me permet de discuter des problématiques que je rencontre dans mes dossiers avec mes collègues de travail et cela m’aide beaucoup.

Toutefois, quand on est travailleur autonome, on n’a pas cette équipe autour de nous pour nous supporter et surtout, nous écouter. Cette écoute, c’est un psychologue qui peut nous l’offrir et pour moi, c’est un psychologue qui m’aide à rester sereine.

Je crois que cette ressource est sous utilisée dans le domaine de l’entrepreneuriat, ce pourquoi il y autant de problématique de dépression et de burn-out. Pour ma part, le psychologue m’aide à gérer les situations et les histoires difficiles que j’entends.

Je ne crois pas que seuls les professionnels de la santé devraient obtenir du soutien. En effet, tous ceux et celles qui ont besoin d’optimiser la gestion de leur carrière devraient s’entourer d’une personne ressource en psychologie.

On prend soin de notre corps physiquement, on inscrit à nos agendas nos entraînements et on prévoit nos repas de la semaine, le tout pour maintenir de saines habitudes de vie et prévenir les maladies. Eh bien, ces démarches devraient aussi être faites lorsqu’il s’agit de santé psychologique !

Tu me racontais dans le cadre de notre première rencontre que tu travaillais en collaboration avec plusieurs organismes communautaires, pourquoi avoir fait ce choix ?

Parce que j’aime cette clientèle, j’aime les gens que ces organismes desservent.

Par leur nature, les organismes offrant des services d’encadrement psychologique viennent principalement en aide dans les milieux défavorisés. Ces gens vivent dans des conditions plus difficiles que la moyenne des gens et n’ont pas accès à des ressources privées vu le manque d’argent quand pourtant, ils en ont bien besoin.

La communauté a besoin de ces organismes et ces organismes ont besoin de nous pour fonctionner.

Quelles sont les meilleures stratégies d’affaires pour évoluer à titre de spécialiste dans le milieu communautaire ?

C’est certain qu’il ne faut pas tenter de faire affaire avec ces organismes avec un objectif de rentabilité en tête. Personnellement, je le fais pour deux raisons qui sont aussi mes principales stratégies pour évoluer dans ce domaine :

  1. Le faire par amour de cette clientèle venant de milieux moins favorisés

Comme je le disais précédemment, je le fais avant tout par amour pour ces gens. Pour réussir à générer de l’impact dans ce milieu, il faut savoir se présenter en ayant de l’empathie pour leur vie souvent difficile. Il faut s’avoir s’abstenir de juger, ces personnes sont trop souvent jugées ou mises à part par la société en général.

Ainsi, arriver en ayant en tête notre expertise et un lien hiérarchique avec ces s personnes empêchera le lien de confiance de se bâtir. Il faut vouloir travailler avec ces gens et les aimer.

  1. Le faire pour les apprentissages

Nous avons beaucoup à apprendre de ce public tant sur un point de vue professionnel qu’en tant que personne. J’ai eu la chance de relever de très beaux défis dans le cadre de mon travail avec ces organismes, j’y réalise des apprentissages qui me servent quotidiennement.

Quelle est ta définition du succès ?

Pour moi, le succès est un état de sérénité.

On peut faire le métier que l’on veut, œuvrer dans n’importe quel milieu, je ne crois pas qu’il s’agisse du véritable succès si l’on doit sacrifier sa santé psychologique pour y parvenir.

Merci Anick !

Anik Bertrand T.S.Travailleuse sociale
Anik Bertrand – Adoption et attachement
www.anikbertrand.com