L’

intrapreneuriat. Il s’agit d’un nouveau terme à la mode ces temps-ci dans nos organisations. Cependant qui sont vraiment les intrapreneurs ? Ils sont ces petites fourmis porteuses de projets et d’idées dans nos entreprises. Ils sont ces employés aux grandes qualités d’entrepreneur qui œuvrent à titre de salariés.

Aujourd’hui, on s’entretient avec une intrapreneure pour mieux comprendre la réalité de ces derniers.

Si vous suivez le blogue depuis quelque temps, vous aurez remarqué que j’ai une forte tendance à vous présenter des femmes œuvrant dans les services professionnels. Aujourd’hui, je sors légèrement du cadre et je vous présente une enseignante qui ose voir au-delà de sa description de tâches. Une femme qui ose mener des projets dans le milieu de l’éducation, un milieu contraignant pour l’innovation.

Sans plus attendre, je vous présente Myriam Chapdelaine. Enseignante de français au Collège Saint-Maurice à Saint-Hyacinthe, son côté intrapreneurial l’a amené à sortir de sa zone de confort et à développer, entre autres, un nouveau cours d’Introduction à l’entrepreneuriat qui est maintenant offert aux élèves de 4e et 5e secondaire. De plus, elle s’affaire aussi à développer de nouveaux projets au sein de la Fondation du Collège Saint-Maurice.

Bonjour Myriam. Tout d’abord, pourrais-tu nous expliquer ce qu’est pour toi l’intrapreneuriat ?

Selon moi, la base de l’intrapreneuriat est de s’impliquer au-delà de sa description de tâches. Il s’agit d’un rôle de porteur d’idées et de projets. Je crois qu’un intrapreneur est celui qui ose proposer de nouvelles idées, des idées qui se veulent innovantes, pour continuellement améliorer son environnement.

Nécessairement, être un intrapreneur c’est aussi de s’engager dans les projets de l’organisation et les mener comme si c’était les nôtres. Pour ma part, mon objectif à titre d’intrapreneure est sans aucun doute de pouvoir améliorer continuellement mon école, de la voir rayonner.

En résumé, je dirais qu’être intrapreneur, c’est avoir une vie contraire au fameux « métro-boulot-dodo ».

Quand et comment as-tu su que tu étais une intrapreneure ?

J’ai toujours porté les qualités d’une intrapreneure.

Le travail d’entrepreneur m’a toujours attirée et pourtant, en tant qu’enseignante, je suis bien loin de l’entrepreneuriat. En revanche, j’avais une vision assez noire ou blanche du problème. Pour ma part, soit l’on était entrepreneur, soit l’on était salarié. Je ne voyais pas de lien entre ces deux réalités.

Je dirais que j’ai réalisé que j’étais effectivement une intrapreneure au cours des cinq dernières années. Je m’en suis rendu compte lorsque je suis tombée sur la définition dans un livre. À partir de ce moment, les liens entre l’entrepreneuriat et le travail comme salariée se sont faits et j’ai su que j’étais une intrapreneure.

Je me suis mieux comprise à partir de ce moment-là.

Il est connu que l’intrapreneur, bien qu’il jouisse d’un filet de sécurité offert par l’entreprise qui l’emploie, doit prendre des risques pour mener ses projets à terme. Que représente le risque pour toi et comment le gères-tu ?

Si l’on ne prend pas de risques dans la vie, on stagne. Personnellement, prendre des risques signifie sortir de sa zone de confort et de tenter de nouvelles expériences. Il est bien difficile d’obtenir de nouveaux résultats alors que l’on répète toujours les mêmes tâches au quotidien.

En général, la meilleure manière de gérer le risque est, selon moi, la préparation. Prendre des risques nécessite une bonne préparation pour minimiser le plus possible les probabilités d’échec. Cependant, on ne peut pas tout contrôler. Il faut donc accepter de se dire « il arrivera ce qu’il arrivera » et faire confiance aux gens qui nous entourent et qui nous encouragent.

Personnellement, j’évolue dans le milieu de l’éducation où la vision est encore assez conservatrice et traditionnelle. La philosophie de travail n’est pas la même qu’en entreprise privée.

Ainsi, je dirais qu’un des premiers risques liés à l’intrapreneuriat est l’accueil de mes nouvelles idées auprès de mes supérieurs et de mes collègues. Pour assurer l’acceptation de mes idées, il devient primordial de comprendre les limites de mon environnement et de mes pairs.

Je dirais que la peur de l’échec est aussi un risque avec lequel je vis tous les jours. Bien que je sois consciente que les projets que je porte à titre d’intrapreneure ne sont pas reliés à mes compétences d’enseignante, j’ai toujours la crainte de me faire juger.

Avec le temps, j’ai appris à m’accorder le droit à l’erreur; droit, que je ne m’accordais pas dans le passé. Le tout ne s’est pas fait du jour au lendemain. J’ai dû accepter de prendre du recul sur mes échecs, mais aussi sur mes réussites. J’ai dû me questionner sur les raisons qui m’ont amenée à échouer ou à réussir et comprendre les stratégies que je devrais utiliser ou non à l’avenir.

Je crois qu’une erreur et une réussite, ça s’analyse; l’échec, c’est de commettre la même erreur deux fois.

Qu’est-ce que l’innovation pour toi ? Quelle relation entretiens-tu avec un tel concept ?

Ma vision de l’innovation est de ne jamais tenir un projet ou quelque chose pour acquis parce que cela fonctionne correctement. Chercher à innover pour moi, c’est chercher continuellement à optimiser les processus et les outils autour de soi. Il s’agit de ne jamais se contenter de quelque chose qui est correct et toujours chercher à développer quelque chose de mieux.

Je crois aussi qu’innover demande une bonne gestion des paradoxes dans son environnement. Pour ma part, j’évolue dans le milieu traditionnel de l’éducation alors que je dois enseigner à des élèves dont les besoins et intérêts changent continuellement, et ce, au cœur d’une société en constante évolution. Il faut savoir s’adapter et maintenir un équilibre.

Je vois l’innovation d’un œil très positif. J’irais même jusqu’à dire que l’innovation est le carburant qui me pousse à continuer dans mes avancements professionnels. Pour moi, quand une nouvelle idée m’arrive et se concrétise, c’est beaucoup de fierté, et cette fierté, c’est un carburant dont je ne pourrais me passer. Ça me nourrit !

Innover demande de sortir des sentiers battus et de diriger des projets dans des domaines que je ne connais pas. Inévitablement, je crois aussi que l’innovation provoque de l’angoisse ou de l’anxiété qu’il faut savoir gérer. De plus, je pense qu’innover peut aussi devenir frustrant à certains moments, il peut être difficile de porter des projets et de les mener à terme quand, en plus d’être inquiet, on n’a pas tous les outils à notre disposition pour le faire.

Par sa nature, l’intrapreneur est amené à développer de nouveaux projets au sein de l’entreprise qui l’emploie. La base d’un nouveau projet étant d’en convaincre les autres de sa pertinence, quels sont tes meilleurs conseils pour convaincre ?

La première chose restera toujours d’être convaincue soi-même. Si on laisse paraître une moindre parcelle de doute alors que nous sommes nous-mêmes le moteur du projet, on ne sera pas capable d’embarquer les autres.

De surcroît, je dirais que la passion est un argument de taille dans la prise de décisions de nos interlocuteurs. Briller et démontrer son intérêt pour le projet représente une grande partie du discours. Pour le reste, il faut se préparer, prévoir les questions qui nous seront posées et rationaliser ses inquiétudes.

En tant qu’intrapreneure, quels sont tes conseils pour les gestionnaires et employeurs qui te liront ? Comment encourager l’intrapreneuriat dans son équipe ?

Favoriser l’intrapreneuriat dans son équipe prend un bon capitaine, un bon leader. Ça prend des gestionnaires qui sont capables d’allumer la flamme chez leurs employés et de garder cette flamme allumée. Pour ce faire, il faut sans contredire apprendre à connaître ses employés, voir en eux le potentiel qu’eux-mêmes ne voient pas toujours.

Concrètement, je crois que cela commence en laissant de la place aux employés pour explorer leurs qualités, leurs talents et les différentes idées qu’ils pourraient mettre à profit pour l’entreprise. C’est aussi leur donner les outils pour explorer et pour concrétiser leurs projets.

Finalement, ça passe la rétroaction qui est offerte aux employés et par un simple « merci » de temps à autre.

Finalement, as-tu quelques conseils pour les intrapreneurs et futurs intrapreneurs qui te liront ?

Oser.

La base pour intraprendre est d’oser. Oser s’exprimer et faire confiance à ses idées. Souvent, on s’autocritique avant même de parler et on finit par taire nos idées. Il faut arrêter de se taire. Après tout, le pire qui puisse arriver est que l’on nous dise non.

Il y a trop d’entreprises qui renferment des employés pleins de richesse qui se contentent de faire leur job. Je crois que l’intrapreneuriat se doit d’être nourri dans les deux sens. Autant l’employeur doit encourager ses employés, autant les employés se doivent de faire entendre leurs idées.

Merci Myriam,

En conclusion, l’intrapreneur est un entrepreneur… à l’interne ! Non seulement ces derniers profitent du filet de sécurité de leurs emplois, mais ces derniers doivent aussi gérer des risques importants, des craintes et des critiques. Les intrapreneurs sont des employés clés dans nos organisations. Par leurs idées, ils assurent la vitalité et la régénération de nos entreprises.

Il nous faut, en tant qu’entrepreneur, faire confiance à nos employés. Il faut accepter leurs erreurs lorsqu’ils tentent quelque chose de nouveau et laisser la place à leurs idées. Le travail de développement de l’entreprise ne doit pas peser uniquement sur nos épaules, mais devrait, au contraire, y inclure tous ceux qui veulent bien s’impliquer. Après tout, c’est à travers la diversité que l’on favorise la meilleure créativité !